Par Caroline Coulombe, chercheure à l’OCCAH, codirectrice de l’équipe de recherche « COVID-19 : Pratiques collaboratives améliorées des interventions en situation complexe, urgente, humanitaire et internationale ancrées dans une approche de duty of care » et membre de l’équipe de gestion des risques et de la sécurité.
Montréal, le 17 mars 2020
En 2009, la grippe H1N1 était apparue sur les radars mondiaux de la santé. L’Europe avait formalisé une obligation pour les organisations de plus de 1000 salariés à se préparer et effectuer, dans l’idéal, une simulation de crise pour la grippe. Je vivais en Europe. Ma carrière m’avait mené à accompagner de très grandes entreprises internationales dans la formation, la prévention et la préparation à la gestion de crise organisationnelle. J’ai donc fait partie des experts sollicités pour « faire pratiquer » les réflexes et bonnes pratiques du BCP – le « Business Continuity Plan ».
Certaines de nos organisations québécoises ont des processus de gestion de crise qui sont formalisés et déjà instaurés depuis longtemps, d’autres n’ont jamais entendu le terme BCP dans un tel contexte de crise.
Ces jours-ci, derrière les nouvelles en rafales qui nous tiennent au courant des statistiques de suivi de santé et des actions prises à cet effet, se mettent en place des processus de « continuité des affaires ». Dans l’ombre de cette pandémie, des gestionnaires activent de plus en plus ces plans de gestion de crise, car soit le nombre d’employés disponibles pour travailler a tellement diminué vu les enfants à gérer à la maison que le rythme de continuité de production ou de livraison des services est grandement impacté soit, dans des cas très délicats, un employé a potentiellement infecté plusieurs de ses collègues et le-les cas de « COVID-19 positif » ont été officialisés à l’interne. Le caractère effrayant de ce diagnostic éveille des émotions vives et mitigées au sein de nos réseaux organisationnels et familiaux. Dans les derniers mois, nous avons stigmatisé rapidement le virus et ses porteurs toutefois il fait partie des responsabilités tant organisationnelles qu’individuelles de contrôler le côté sombre de notre imaginaire pour rester concentré sur la préparation en accéléré de la continuité de nos affaires et sur les réponses adéquates à y apporter.
Que fait-on comme cadre et décideur dans de telles circonstances?
Si on fait partie des organisations plus larges qui ont déjà des mécanismes de gestion de crise en place alors cela veut dire qu’on active notre BCP. Ce document imposant comporte plusieurs scénarios potentiels de crises ainsi que la déclinaison des actions et des personnes à mobiliser si ce scénario ou si les impacts prennent place. On sait qui appeler pour chercher des solutions, car n’oublions pas qu’une crise par définition est une situation remplie d’incertitudes pour laquelle nous ne possédons pas de réponses. La convergence des événements se croisant et les impacts en résultant sont trop nombreux et imprévus pour pouvoir le planifier avant. Cependant, les équipes sollicitées lors de l’activation du BCP sont les équipes jugées les mieux équipées pour trouver ensemble des solutions de réponse les plus adéquates.
Avoir un BCP et des processus officiels nous aident comme organisation à réagir plus vite et plus efficacement face à cette incertitude et ses impacts. À leur manière, les organisations « aplanissent la courbe » de leurs impacts organisationnels, sociaux et économiques. Comme experts de l’OCCAH, nous recommandons aux organisations avec ou sans « plan de continuité » de toujours garder en tête le «dutyofcare» .
Cette approche est indispensable pour réfléchir et décider, dans le cadre de cette pandémie où la santé est la priorité, des meilleures actions à prendre pour protéger vos employés, leurs familles et par conséquent notre société.