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16 avril 2020

COVID 19 – La collaboration en temps de pandémie – de quoi parle-t-on exactement?

Photo by Brian McGowan on Unsplash

Par Caroline Coulombe, Marie-Pierre Leroux, François Audet, professeurs à l’ESG-UQAM et chercheurs à l’OCCAH et membres de l’équipe de recherche « COVID-19 : Pratiques collaboratives améliorées des interventions en situation complexe, urgente, humanitaire et internationale ancrées dans une approche de duty of care ? »; et Catherine Haineault, finissante à la maitrise à l’ESG-UQAM.

Avec la collaboration de Diane Alalouf-Hall, doctorante à l’UQAM et chercheure à l’OCCAH et membres de l’équipe de recherche « COVID-19 : Pratiques collaboratives améliorées des interventions en situation complexe, urgente, humanitaire et internationale ancrées dans une approche de duty of care ? »

 

Montréal, le 14 avril 2020 

La collaboration est un terme « au goût du jour » depuis quelques semaines. Le Premier ministre du Québec sollicite hebdomadairement voire parfois quotidiennement la collaboration des Québécois au nom du bien commun et de la sécurité sanitaire des plus vulnérables.

A priori, on pourrait penser que la collaboration est un phénomène intuitif qui dépend de notre bonne volonté individuelle. Or, il n’en est rien. Notre équipe de recherche[1] travaille de concert avec la Société québécoise des infrastructures depuis quelques mois, en particulier avec la direction du déploiement des pratiques intégrées BIM-PCI qui a misé sur l’instauration d’une approche collaborative pour les équipes projets dans le cadre de tous les projets d’infrastructures de plus de 5 millions de dollars en mode PCI et BIM[2]. Nous avons eu la chance d’observer « la collaboration » in vivo, dans différentes équipes projet et également à différentes étapes ou types de projets.

En gestion de projet, les notions de facteurs et de critères de succès des projets ont fait couler beaucoup d’encre. La littérature fait aussi une distinction entre les facteurs de succès techniques et les facteurs de succès relationnels[3] lorsque l’on aborde les différentes facettes qui contribuent au succès de projet. De manière plus timide, les premières recherches se questionnaient sur l’apport des ressources humaines sur le succès des projets. Or, les écrits plus récents suggèrent que les facteurs relationnels jouent un rôle essentiel dans le succès du projet soit 50% de l’influence[4] .

Ainsi, on retrouve dans ces facteurs de succès[5] le travail d’équipe, la collaboration, la communication et la cohésion d’équipe comme ayant un effet positif sur les résultats de projet. On a également élargi les critères de succès de projet, traditionnellement restreints à la triple contrainte de respect des échéanciers, des coûts et des spécifications. Plus récemment, la collaboration ainsi que d’autres dimensions relationnelles ont fait leur apparition au rang des critères de succès – dans ce qu’on peut qualifier de nouveau paradigme de la gestion durable de projet[6].

La collaboration

Dans un premier temps, il importe de définir ce qu’est la collaboration. Elle peut être décrite comme une forme d’investissement de capital (humain, social, de temps, etc.), pour l’atteinte de buts et d’objectifs communs[7]

Dans une perspective organisationnelle, la collaboration joue un rôle crucial. Par exemple, certaines recherches affirment que les compagnies démontrant une culture collaborative arrivent à résoudre aisément les problèmes liés à l’ambiguïté[8]. Toutefois, dans une organisation, plusieurs facteurs peuvent avoir un effet positif ou négatif sur le niveau de collaboration, c’est pourquoi on ne peut l’isoler des autres variables qui sont la confiance, la communication, le climat organisationnel et plusieurs autres facteurs décrits dans la recherche de mesdames Coulombe et Haineault[9].

La confiance et la communication

La confiance mutuelle nait d’une gestion efficace des relations entre les parties prenantes, primaires et secondaires. Bien que plusieurs théories de la confiance organisationnelle coexistent, et que chacune ait décliné les différentes dimensions pour l’évaluer, un consensus prévaut à l’effet qu’un manque de confiance constitue une barrière à toute relation collaborative. Cette gestion efficace passe entre autres choses par la communication qui est un processus de compréhension mutuelle à travers le partage de connaissances et d’information. La communication permet de comprendre puis d’intégrer les différents points de vue et les décisions facilitant ainsi le « travail d’équipe ».

À la lumière de ces affirmations, qu’en est-il de la relation interdépendante entre la collaboration, la communication et la confiance? Dans un premier temps, les recherches démontrent que la communication améliore la confiance[10] et donc la collaboration qui à son tour contribue significativement au succès des projets[11]. Il a été démontré que le niveau de confiance était influencé par la notion de soutien inter-membres et que le niveau de collaboration était influencé par la proximité physique, la mobilisation, la coordination et la force des relations qui elles proviennent en partie de la communication. Le tout est donc un cercle vertueux.

Résultats préliminaires sur les ingrédients de la collaboration efficiente et porteur de succès

Nos conclusions partielles démontrent les éléments suivants :

  • La collaboration : ça se choisit et ça se prépare. En effet, l’approche collaborative à la SQI a été décidée stratégiquement, implantée par un processus et mise entre les mains de duos : le chef de projet et le facilitateur PCI, un membre externe à la SQI qui doit posséder des compétences étendues en animation de nature collaborative. Ces duos portent à deux les fondements qui permettront de créer la synergie avec les membres de l’équipe projet qui parfois peut se composer de quelque 35 spécialistes et clients de différents horizons organisationnels, qui souvent ne se connaissent pas.
  • La collaboration demande de l’attention et du suivi : le duo PCI collaboratif mentionné précédemment a la responsabilité d’être vigilant tout au long des nombreuses rencontres et ateliers de projet pour que la collaboration soit toujours le principal élément guidant les interventions. L’égo professionnel de tel ou tel expert n’a pas primauté, on vise la complémentarité des points de vue pour trouver des solutions innovantes et éventuellement plus de performance. La participation doit être équilibrée et on peut la provoquer par des choix de sous-ateliers réfléchis d’avance.
  • La collaboration : ça s’explique. Il faut procéder avec transparence et expliquer les principes fondamentaux de la collaboration, il faut communiquer les objectifs et les règles du jeu.

Ces propos s’ancrent dans un cas unique suivi depuis 4 mois incluant quelques entrevues reliées. Il nous apparait évident à la lumière de ces constats préliminaires que le gouvernement Legault a suivi lui aussi des étapes similaires et a réussi avec transparence, explications, objectifs clairs et répétition de messages principaux à nous faire adhérer tout un chacun à ses décisions de crise, établissant un leadership de crise qui nous donne confiance. Et nous voilà dans le cercle vertueux.

Nous finirons ce propos sur les éléments suivants. La collaboration demande des pratiques managériales ancrées dans les phénomènes relationnels. Cette période de crise nous démontre bien combien ces éléments relationnels et émotionnels sont fondamentaux à gérer, adresser et solutionner. Ne devrions-nous pas revoir nos pratiques managériales et nos indicateurs de succès à la lumière de ces constats pour adresser le changement vers la « nouvelle réalité » que nos organisations et les citoyens devront désormais embrasser?

 

Pour aller plus loin :

 

[1] L’équipe de recherche auteure de ce papier fait partie de deux entités de recherche soit l’OCCAH et la Chaire en gestion de projet.

[2] Le processus de conception intégrée (PCI) est un processus collaboratif et multidisciplinaire qui s’amorce dès le démarrage d’un projet et qui vise à générer, de manière plus efficiente, des solutions intégrées, optimales, innovantes et durables. Le PCI est axé sur la collaboration humaine d’un large éventail de parties prenantes.

Le Building information modeling (BIM) ou encore Modélisation des données du bâtiment (MDB) est une représentation numérique des caractéristiques physiques et fonctionnelles d’un bâtiment. Il sert de plateforme de partage de connaissances et de données en plus d’être un outil d’aide à la décision durant le cycle de vie d’un projet. (Définition tirée du National Building Information Modeling Standard [NBIMS]).

Plus d’informations www.sqi.gouv.qc.ca/BIM-PCI/Documents/Guide%20BIM%20SQI_V1.1.pdf

[3] Pinto, J.K. and Slevin, D.P. (2006) Project critical success factors: the project-implementation profile. Global Project Management Handbook: Planning, Organizing, and Controlling International Projects, 2, 13-1,13-11.

[4] Müller, R., & Jugdev,K. (2012),Critical success factors in projects: Pinto, Slevin, and Prescott – the elucidation of project success, International Journal of Managing Projects in Business, Vol. 5(4), 757 – 777

[5] Yang, LR., Huang, CH., & Wu, KS. (2011). The association among project manager’s leadership style, teamwork and project success, International Journal of Project Management,

Vol.29(3), 258-267.

[6] Silvius, A.G. (2017). Sustainability as a new school of thought in project management”.J. Clean.  Vol. 166,1479–1493.

[7] Herzog, V.L. (2001). Trust Bulding on corporate collaborative project teams. Project Management Journal, Vol. 32(1), 28-37.

[8] Sy, T. (2005). Challenges and strategies of matrix organizations: Top-level and mid-level managers’ perspectives. Human Resource Planning Journal, (28)1: p. 39-48.

[9] Coulombe, C, Haineault, C. (2020). La collaboration au sein du projet majeur SQI-UQO- le mode collaboratif PCI de l’avant-projet. Rapport confidentiel à être remis à Monsieur G.Paquin de la SQI.

[10] Schnetler,  R.,  Steyn,  H., & Van  Staden,  P.J. (2015). Characteristics  of  matrix  structures,  and  their effects on project success. South African Journal of Industrial Engineering, 26(1),11-26.

[11] Bond-Barnard, T.J., Steyn, H., & Fabris-Rotelli, I. (2013), “The impact of a call centre on communication in a programme and its projects”, International Journal of Project Management, Vol. 31(7), 1006–1016.

 

La version PDF est disponible juste ici.

Chaire de gestion de projet (ESG UQAM) Institut d'études internationales de Montréal (IEIM) Fonds de recherche du Québec – Société et culture (FRQSC) Conseil de recherches en sciences humaines